La Zakat al-Maal suit des conditions claires en matières d’éligibilité. Pour aller plus en détail et permettre une compréhension profonde du sujet, il convient de préciser ce qui détermine la richesse prise en compte dans le calcul, afin de pratiquer le 3ème pilier de l’islam. Ainsi, l’aumône légale est conditionné par le bon sens que l’on retrouve au sein des nombreux travaux sur la Zakat. Voici les six éléments de la richesse du musulman qui déterminent si elle peut être payée :
- Propriété absolue
- Croissance
- Quantité minimum
- Abondance au-dessus du besoin
- Solvabilité (Liberté de Dette)
- Échéance d’une année lunaire (ou moment de la récolte)
Notion de propriété absolue pour la zakat
La « propriété absolue » est un terme juridique dans la jurisprudence islamique (fiqh). Cela signifie la chose suivante : bien qu’Allah soit le vrai Propriétaire de toutes choses, il a accordé aux êtres humains, en tant qu’individus, le droit de posséder et de contrôler des biens. A l’exclusion de toutes autres créatures, l’humain possède des biens de sorte qu’il ou elle puisse l’échanger contre un autre bien ou en disposer sans l’autorisation de quiconque. Il s’agit d’une condition de l’aumône légale car tout bien matériel de richesse, à partir duquel on paie la Zakat, doit être transféré en la possession exclusive, ou vers le seul bénéfice, d’un individu de l’une des huit catégories qu’Allah a décrété éligible pour cette aumône légale.
En d’autres termes, le bénéficiaire individuel de la Zakat, une personne pauvre ou nécessiteuse (ou dans le cas d’un bénéfice direct, une personne en servitude ou criblé de dettes) doit devenir le seul propriétaire ou récolter le bénéfice non partagé de la Zakat payée par un musulman qu’Allah a enrichi matériellement.
Par conséquence, cela signifie que les actifs administrés au nom de la communauté, les biens en fiducie (propriété sous contrat), les gains mal acquis (comme les biens volés ou les intérêts), les créances irrécouvrables (jusqu’à ce qu’elles soient payées) et les contributions (jusqu’à ce que l’on en ait le contrôle total) n’ont pas de Zakat.
Que signifie la richesse qui grandit ?
La « croissance » décrit deux états de la propriété d’une personne :
- un actif qui procure à son propriétaire un profit ou un avantage matériel, ou qui pourrait s’il était utilisé
- un actif qui est lui-même produit par la croissance, soit en tant que gain, soit en acquisition
Ainsi, les revenus, le bétail et la plantation donnent ou peuvent donner une augmentation. C’est le sens de la déclaration du Prophète, salut et paix soit sur lui, que « Sadaqah (aumône ou offrande volontaire) ne diminue pas la richesse » (Al-Tirmidhi).
On paie la Zakat à une fraction de la croissance excédentaire, et non pas sur les choses que soi-même ou sa famille utilisent personnellement, comme une maison (c’est notre résidence), des meubles, un véhicule, des vêtements ou des outils (y compris des livres).
A ce titre, un agriculteur paie la Zakat sur les cultures à la récolte mais pas sur leur rendement restant, même si elles sont stockées pendant des années. Cela ajoute une autre nuance à la signification linguistique de la «croissance» selon la Zakat (en plus de fournir à son payeur une bénédiction et une augmentation de la part d’Allah). Ainsi, lors de la culture, une récolte est littéralement une croissance. Stocké, elle ne pousse plus, même s’il détient toujours des richesses.
Que signifie la quantité minimale en termes de Zakat ?
La « quantité minimale » fait référence aux limites inférieures que le Prophète, salut et paix soit sur lui, établie comme seuils fixes auxquels un(e) musulman(e) doit payer la Zakat, à partir de types de richesse spécifiquement éligible. C’est ce qu’on appelle nissab, littéralement « origine », parce que le droit des pauvres sur cette Zakat commence au point précis où débute son accumulation.
Voici un tableau des flux de richesse soumise au calcul, leur nissab et les taux à appliquer :
Type de Richesse | Nissab | Taux de Zakat |
Patrimoine Personnel | 85g d’Or ou 595g d’Argent | 2.5 % |
Patrimoine Entreprise | ||
-> Biens commerciaux | 85g d’Or ou 595g d’Argent | 2.5 % valeur actuelle de la vente en gros |
-> Actifs exploités | 85g d’Or ou 595g d’Argent | 2.5 % du revenu net |
Produits Agricoles | ||
-> Cultures irriguées | 653 kg | 5 % de la récolte |
-> Cultures non irriguées | 653 kg | 10 % de la récolte |
Élevage – Bétail | Ovins : 40 || Bovins : 30 | voir ci-dessous |
Trésors (Aubaines – Ressources naturelles) | 85g d’Or ou 595g d’Argent | 20 % |
Taux de zakat pour les ovins (y compris chèvre) :
- 1 mouton pour une quantité comprise entre 40 et 120 têtes
- 2 moutons pour une quantité comprise entre 121 et 200 têtes
- 3 moutons pour une quantité comprise entre 201 et 300 têtes
- + 1 mouton pour chaque centaine dépassée
Taux de zakat pour les bovins :
- 1 veau de 1 an (appelé Tabi’) pour une quantité comprise entre 30 et 39 têtes
- 1 vache de 2 ans (appelé Musinna) pour une quantité comprise entre 40 et 59 têtes
- 2 veaux de 1 an (Tabi’s) pour une quantité comprise entre 60 et 69 têtes
- 1 veau de 1 an et 1 vache de 2 an pour une quantité comprise entre 70 et 79 têtes
Ces éléments révèlent donc la variété des classes d’actifs pour le calcul de la charité obligatoire. Vous pourrez en savoir plus en découvrant ces classes sous la notion d’actifs liquides, non liquides, actifs fixe ou encore actifs exploités.
Comment l’abondance a-t-elle besoin d’être prise en compte dans le calcul
« L’abondance au dessus du besoin » tient compte de la richesse nécessaire pour l’essentiel de la vie. Cela fait référence à une interaction importante entre la croissance des actifs soumis au paiement et le seuil de nissab auquel il faut payer la Zakat. Certains chercheurs soutiennent qu’une fois le flux de richesse atteint le nissab, nous payons la charité à sa juste valeur, indépendamment de toute autre considération, car :
- les gens n’utilisent généralement pas les actifs de croissance pour subvenir à leurs besoins essentiels (référence aux exemples dans la section « Croissance » ci-dessus)
- les actifs de croissance présentent la seule mesure objective par laquelle nous pouvons calculer efficacement et équitablement la Zakat.
D’autres savants (que l’on retrouve dans Fiqh az-Zakt, approuvés comme « imprégné de l’érudition Zakat ») soutiennent la chose suivante : puisque le but même de l’aumône est de suffire aux pauvres, aux nécessiteux et aux méritants, elle traite toute richesse que l’on utilise pour répondre aux besoins essentiels de la vie, comme inexistants, que ce soit pour soi-même ou pour les personnes à charge. Ces chercheurs notent que cela inclut nécessairement la richesse sous forme d’argent (monnaie), car beaucoup dépendent aujourd’hui de l’argent pour répondre à leurs besoins vitaux de base.
Une nuance cependant, par exemple, les érudits hanafites en général, soutiennent que l’islam définit les catégories de riches et de nécessiteux par nissab. Celui qui l’a est riche. Celui qui ne l’atteint pas est pauvre. Nous ne pouvons pas payer « joyeusement » la Zakat sur des richesses qui sont elles-même nécessaires pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Cela va à l’encontre de l’esprit de la Zakat, qui doit être payée avec plaisir. Selon eux donc, le calcul Nissab et Zakat al-Maal commence dans la richesse que l’on accumule au-delà de la richesse utilisée pour leurs besoins de base, et ceux de leurs ménages et personnes à charge.
Le Coran soutient directement cette opinion :
يَسْـَٔلُونَكَ مَاذَا يُنفِقُونَ قُلِ ٱلْعَفْوَ ۗ كَذَٰلِكَ يُبَيِّنُ ٱللَّهُ لَكُمُ ٱلْءَايَٰتِ لَعَلَّكُمْ تَتَفَكَّرُونَ[…]
» […] Et ils t’interrogent: « Que doit-on dépenser (en charité) ? » Dis: « L’excédent de vos biens. » Ainsi, Allah vous explique Ses versets afin que vous méditiez » (Sourate 2, verset 219)
Le grand érudit des déclarations prophétiques, Ibn Hajar, note que Bukhari, célèbre compilateur de la collection la plus authentifiée, titre une section sur la Zakat pour préciser que la déclaration du Prophète, salut et la paix soit sur lui : « Il n’y a pas de sadaqah écartée de la richesse », ce qui définit une exigence révélée pour payer l’aumône légale.
Cela signifie qu’une Zakat valide est conditionnée à ce qu’un homme ait satisfait aux besoins fondamentaux de lui-même et de sa famille avant le paiement de l’aumône. Par ailleurs, l’Islam n’exige pas que les épouses soutiennent les maris et les personnes à charge. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter l’article pour savoir si La Zakat peut-elle être donnée à la famille ?
Comment les besoins fondamentaux de la vie peuvent-ils être objectivement établis ?
Les savants musulmans centrés sur le nissab ont une réflexion pertinente de dire que l’évaluation des besoins vitaux est inévitablement subjective et donc ouverte à une justification personnelle sans fin.
Les chercheurs, exemptant les richesses vitales essentielles, proposent des rubriques juridiques raisonnées pour catégoriser et déterminer quels actifs sont considérés comme vraiment essentiels, c’est-à-dire sans lesquels une vie de base ne peut pas être équitablement soutenue. Ils soulignent que cela varie dans le temps et dans l’espace, et nécessite donc une évaluation savante par ceux qui concernent à la fois la Zakat, la société et les conditions sociales de chacun. Voici une directive en trois parties pour déterminer les besoins de base cités sur la base du Fiqh az-Zakat comme une norme convenable :
- Besoins existentiels qui évitent la ruine réelle ou probable : nourriture, eau, abri, etc.
- Besoins de subsistance : frais de subsistance, vêtements, bien personnelles de nécessité (la jurisprudence islamique inclut traditionnellement cela)
- Besoins futurs : outils de commerce, remboursement de la dette, mobilier et ustensiles, moyens de transport, livres (l’Islam considère l’absence de destruction de connaissances)
Qu’entend-on par solvabilité comme condition de paiement de la Zakat ?
La « solvabilité » signifie être libéré de la dette. La plupart des juristes islamiques soutiennent que la dette élimine l’obligation de Zakat (ou réduitcelle-ci) parce que la dette a la priorité sur le remboursement. Cette décision découle de la première condition de la richesse, la propriété absolue. Ce qui est différent pour la charité de la rupture du jeûne, qui concerne tous les musulmans sans exceptions ni conditions.
Le créancier est le véritable propriétaire de la dette, ou du moins partage la propriété, et deux personnes ne peuvent pas payer la Zakat sur la même richesse. Si un débiteur est susceptible de rembourser la dette, le créancier paie l’aumône sur celle-ci (soit à son échéance, soit lorsqu’il reçoit son paiement). Un débiteur, d’autre part, dont la dette le conduit en dessous du seuil (nissab) est, en fait, éligible à recevoir la Zakat, par décret d’Allah. Il faut cependant avoir une preuve qui vérifie sa créance.
La plupart des musulmans vivent aujourd’hui en l’absence d’autorités chargées de la collecte, qui évalueraient personnellement la richesse discernable d’une personne et détermineraient le montant dû. Les musulmans devraient évaluer leur propre endettement et payer l’aumône sur toute richesse restante après déduction de leurs dettes. Il faut décomposer ces dettes en deux grandes catégories, par ordre de priorité :
- Dettes envers Dieu
a. Les dernières années de Zakat en retard
b. Paiements d’expiation pour les violations du culte - Dettes envers les gens
En ce qui concerne les paiements récurrents de dettes (hypothèques, dettes non garanties (cartes de crédit et autres, paiements différés du prix de la dot-mahr), il existe des divergences quant à leur déductibilité en tant que dette. Il peut être plus sûr pour quelqu’un d’évaluer son nissab et de calculer sa Zakat due comme un droit aux pauvres, si on les paie naturellement. Il convient de noter que l’Islam ne tolère pas la consommation excessive au-delà des besoins de base comme une dette légitime, qu’Allah nous pardonne notre excès.
Échéance d’une année lunaire et récolte comme date d’échéance de la Zakat
Un musulman paie la Zakat une fois par an sur le profit (ou le potentiel de celle-ci) de la richesse éligible. Il existe deux types de catégories de propriétés à prendre en compte :
- Titres de croissance désignés : actifs commerciaux et réserves de valeur (y compris l’argent, les métaux précieux, les pierres précieuses, le bétail, etc.)
- Gains de la terre : produits cultivés comme les récoltes, les fruits et tout ce qui est extrait de la terre
L’année lunaire comme date d’échéance
Sur le premier type de richesse (les actifs de croissance), le passage de 12 mois complets du calendrier hijri, l’année lunaire islamique, occasionne la date d’échéance de la Zakat. C’est une date limite difficile dans le sens où elle est inflexible. Cependant, nous pouvons payer à l’avance (même par années) selon l’estimation (et ensuite combler tout manque à gagner à la date d’échéance réelle de celle-ci), mais on ne peut pas sans exempter sans commettre de péché.
On calcule une année Zakat à partir de n’importe quelle date où sa richesse éligible atteint le seuil minimum de nissab pour ce type de catégorie jusqu’à ce que 12 mois hijri entiers se soient écoulés.
Bénéfice sur le principal au cours de l’année Zakat
Quels que soient les bénéfices ou les gains provenant de la « richesse principale » d’une personne au cours de cette année de Zakat, ils sont ajoutés à ce « principal » aux fins du calcul du paiement à la même date d’échéance initiale de celui-ci. On ne démarre pas une autre année lunaire sur ces actifs supplémentaires, qu’il s’agisse des bénéfices ou de la naissance du bétail, même si elle survient la veille de la date d’échéance. Il faut donc considérer tous les éléments pour la même année lunaire.
Différents types de richesse et différentes dates d’échéance ?
Si l’on reçoit un autre type de richesse éligible à la Zakat, la plupart des savants disent que l’on commence un nouveau calcul d’une année pour la date d’échéance. Certains disent qu’il faut la payer dès réception, ou l’ajouter à son paiement Zakat si l’on a un exercice comptable bien établi.
Les mêmes types de richesse peuvent être ajoutés aux dates d’échéance de la Zakat pour plus de facilité
Si l’on prend possession d’un nouvel actif qui est le même qu’un type de richesse existant (en ajoutant de l’or à votre or, ou des moutons à vos moutons) les Hanafis et les Malikis soutiennent que l’on l’ajoute à la richesse existante et paie la Zakat dessus à l’échéance des richesses, car elles sont moins susceptibles de créer de la confusion et donc plus faciles et l’islam et ses règles vont avec facilité. D’autre part, les Shafi’is et les Hanbalis disent que l’on peut commencer un nouveau calcul de l’année Zakat sur la richesse nouvellement acquise. Ce qui conditionne donc une calcul précis et organisé selon chaque acquisition.
Récolte et extraction comme date d’échéance
Pour le deuxième type de richesse (les gains de la terre), on paie la Zakat à la réception, au moment de la récolte ou de l’extraction. C’est-à-dire au moment ou la valeur est effective et réelle. Cela amène donc des fluctuations temporelles conditionnées par l’échéance de la récolte ou de l’extraction.
Wa Allahu A’lam