Le paiement de la zakat peut-il être retardé ou avancé ?

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Catégorie : Bases

En règle générale, la notion de temporalité de la zakat peut être facile à comprendre au début de la démarche. Cependant, des nuances peuvent être nécessaires. L’aumône obligatoire peut être anticipée dans certains situations, et ne peut être retardée au-delà de sa date d’échéance annuelle. Il y a cependant des exceptions et des cas précis qu’il convient de connaître. Vous trouverez ici les informations nécessaires pour comprendre dans quelles mesures ces exceptions s’appliquent.

La zakat peut être payée avant son échéance. Toutefois, les savants mettent l’accent sur le fait que le paiement à sa date d’échéance est préférable au paiement anticipé. Le paiement à son échéance initiale permet d’éviter les incertitudes juridiques liées au paiement anticipé, sur lesquelles les juristes ne sont pas d’accord. Une grande majorité de juristes musulmans interdisent de retarder le paiement au-delà du jour exact de son échéance, mais autorisent son paiement anticipé, même des années à l’avance.

Une minorité autorise une très faible marge de manœuvre, avec motif, pour payer la zakat un peu plus tard que sa date d’échéance immédiate.

Cependant, aucun savant n’autorise un payeur à faire l’une des choses suivantes :

  • Laisser le paiement s’étendre au paiement de l’année suivante
  • Payer la zakat par incréments après la date d’échéance.
  • Modifier le calcul de la après sa date d’échéance en fonction de l’évolution de la situation financière du payeur
  • Sanctionner l’annulation des paiements de zakat manqués qui restent comme une dette impayée
    • quel que soit le temps écoulé
    • même en cas de décès

En bref, il existe des exemptions spécifiques pour retarder le paiement de la zakat au-delà de sa date d’échéance, dans certaines limites, et des pratiques prophétiques établies qui permettent à un payeur de remettre son paiement à l’avance.

Notions temporelles de la zakat

  • Obligation générale

Allah a obligé tous les musulmans à payer la zakat al-Maal (selon conditions), l’aumône de purification, chaque année sur les différentes sortes de richesses croissantes (ou cultivables) qu’Il leur a données. C’est ce qu’on appelle la richesse soumis au calcul.
La question du paiement inopportun (anticipé ou retardé) ne s’applique qu’à la richesse sous forme de biens de croissance, c’est-à-dire la richesse sous forme de biens commerciaux, d’argent, de bétail, de métaux précieux ou encore de pierres précieuses, etc. D’ailleurs, dans le cas des derniers exemples, ils doivent être payés au moment de la récolte ou, selon la plupart des savants, au moment où ils sont extraits de la terre.

  • Calendrier

Les avoirs de croissance soumis au calcul deviennent exigibles exactement une année lunaire islamique après que le payeur soit entré en possession de leur montant seuil minimal. L’année de zakat est appelée hawl et correspond à l’écoulement des 12 mois lunaires du calendrier islamique, ou hijri. Le seuil qui conditionne le paiement est appelé nissab, signifiant « origine » ou « début ».

Quand est-il permis de retarder le paiement ?

Par défaut, il faut payer la zakat à sa date d’exigibilité, à l’exception de cinq exemptions valables :

  • La personne dispose de liquidités (espèces ou investissements facilement convertibles en espèces) qui ne sont pas immédiatement accessibles (comme de l’or ou d’autres produits précieux, des liquidités sur des comptes, des actions, des titres négociables, des obligations, des fonds communs de placement, des fonds du marché monétaire, etc.) .
  • La personne a affecté son aumône à des proches pauvres ou à des membres désespérés de la communauté qui ne sont pas immédiatement (mais bientôt) accessibles
  • La personne est en train d’évaluer les besoins des bénéficiaires de l’aumône (ce qui sera bientôt terminé et distribué)
  • Une autorité reconnue en matière de zakat a reporté la date d’échéance de la collecte pour une raison légitime, comme l’a fait le compagnon ‘Umar ibn Al-Khattab, que Dieu soit satisfait de lui, en tant que calife, pour cause de famine. (La sécheresse, la dépression économique, etc. sont des causes analogues. L’année suivante, lorsque la famine fut atténuée, ‘Umar collecta la Zakat pour les deux années en même temps)
  • La personne a effectuer de la paiement à l’avance. Trois conditions doivent également valider ce retard :
    • Le payeur doit avoir calculé le montant dû, l’avoir mis de côté et avoir garanti son paiement par des biens de remplacement en cas de destruction ou de perte
    • Le retard doit être de courte durée et le paiement doit être effectué en totalité et non en plusieurs fois
    • Le paiement due ne peut pas être combiné avec d’autres types de biens du payeur ayant des dates d’échéance différentes

Les savants considèrent comme un péché et un interdit le fait de retarder le paiement de la zakat au-delà de sa date d’échéance en l’absence de ces raisons et exigences légitimes. Pour rappel, le juriste Abu Hanifah, qualifie le retard d’extrêmement répréhensible, et les savants de son école le considèrent comme un péché, même si ce retard sans raison ne représente qu’un jour ou deux.

Paiement anticipé de la zakat

La majorité des savants considèrent que l’on peut payer avant sa date d’échéance (et même des années avant, selon les Hanafis). Cela ne concerne que les types de richesses soumises à la zakat qui sont dues après un an (hawl), à savoir les biens de croissance désignés, comme l’argent, les biens commerciaux, le bétail, etc.

Le paiement anticipé est soumis à deux conditions :

  • On doit posséder la richesse à partir de laquelle on va payer à l’avance, pour un montant qui atteint ou dépasse le seuil.
  • On doit calculer et payer la Zakat sur le principal actif séparément du rendement de ce principal et de tout autre gain supplémentaire, selon les écoles Shafi’i et Hanbali. En effet, n’est pas dû ce qui n’est pas encore en sa possession et qui ne peut être déterminé qu’à l’échéance de paiement. Cependant, les Hanafis n’imposent pas cette condition. Ils considèrent que le rendement et le gain dépendent intrinsèquement du bien principal et y sont liés.

Les Shafi’is, les Hanafis et les Hanbalis approuvent tous, le paiement anticipé de la zakat. Les Malikis, et certains autres savants, minoritaires, l’interdisent, sauf dans deux cas :

  • lorsque le besoin urgent de personnes en situation de détresse oblige à la collecter rapidement pour la transporter vers d’autres localités à temps pour la distribution avant la fin de l’année de calcul
  • lorsque le calendrier des collecteurs fixe sa date de collecte relativement proche de sa date d’échéance

Le désaccord des savants sur la permission de payer la zakat à l’avance découle de la façon dont les juristes classent la zakat, selon le grand juriste malékite Ibn Rushd : « Ceux qui considèrent [la zakat] comme un rite d’adoration, comme la prière de la salat, interdisent son paiement à l’avance. Ceux qui l’assimilent à une obligation différée autorisent son paiement volontaire à l’avance. » (Bidayat Al-Mujtahid)

Il cite une preuve utilisée par l’imam Shafi’i pour sa position sur la légalité du paiement anticipé, un hadith attribué au Compagnon et quatrième Calife Ali ibn Abi Talib, que Dieu soit satisfait de lui. Le Prophète, prière et paix sur lui, « a demandé [dans un prêt à la communauté musulmane] l’aumône de [son oncle et Compagnon] Al-‘Abbas avant sa date d’échéance » (Nasa’i). Renforcé par des hadiths prophétiques similaires et plus nombreux, ceci soutient la validité du paiement anticipé.

Dans un autre hadith authentique, le Prophète, prière et paix sur lui, a indiqué qu’il devait (au nom de la communauté musulmane) à Ibn ‘Abbas la zakat due pour cette année-là « et un autre montant égal aussi » (Mouslim). Selon les commentateurs, il avait pris deux années de Zakat en avance d’Ibn ‘Abbas au nom de la communauté (Shawkani).

Les savants qui soutiennent la légalité du paiement anticipé l’assimilent à une dette payée avant sa date d’échéance, la Zakat étant une dette d’adoration envers Dieu et une obligation financière envers les bénéficiaires désignés par Allah Lui-même.

Ils considèrent la date d’échéance comme une prérogative de marge de manœuvre pour alléger son obligation financière, à laquelle on peut volontairement renoncer en payant à l’avance, comme on paie une dette à l’avance.

En résumé, on ne peut pas retarder le paiement au-delà de sa date d’échéance, sauf pour des raisons étroitement limitées et dans un laps de temps restreint. Dans un autre sens, on peut payer la zakat avant son échéance, s’il y a un avantage ou un besoin. Mais le paiement à sa date d’échéance est meilleur.

3 raisons de payer la charité obligatoire à son terme

  • la nature religieuse unique de la zakat

Seule parmi les rites de l’Islam, la Zakat est à la fois une obligation de culte divin (‘ibadat), en tant que troisième des cinq piliers de l’Islam, et un devoir financier transactionnel (mu’amalat) dû aux pauvres et aux plus nécessiteux.
La nature hybride de ce aumône obligatoire est à l’origine de la plupart des discussions et des divergences entre les savants et les écoles juridiques quant à ses règles, en fonction de la manière dont ils la classent dans le droit (fiqh). Mais cette divergence de vues juridiques converge pour renforcer l’interdiction de retarder le paiement au-delà de sa date d’échéance.

Les érudits considérant cet acte comme une obligation cultuelle refusent de retarder son paiement, car il est de l’essence de toutes les formes de culte limitées dans le temps, à l’image des autres actes d’adorations que sont le jeûne du Ramadan, les prières quotidiennes et le pèlerinage du Hajj. Leur accomplissement dans des temps spécifiques et prévus.

Dieu a obligé celui qui est en mesure d’accomplir ces rites d’adoration à le faire chaque fois que leurs occasions et conditions se présentent. Lorsque leur date d’expiration approche et qu’ils ne sont pas accomplis, ils deviennent des obligations du moment (wajib al-waqt). Celui ou celle qui les manque non seulement perd sa récompense mais porte s’ajoute un péché. En outre, on reste redevable à Allah de leur accomplissement, même s’il s’agit d’actes tardifs (qada’).
Les juristes qui considèrent la zakat comme une obligation financière affirment que le report de son paiement porte préjudice aux pauvres et aux nécessiteux, qui sont les ayants droit qu’Allah a choisi comme receveur de cette aumône légale.

  • l’éthique de l’immédiateté de l’islam

En général, l’Islam exhorte les croyants à cultiver une disposition à se hâter de manière compétitive pour accomplir les bonnes actions, une concurrence vertueuse pour les croyant(e)s, comme il est dit dans la Sourate 2 Al-Baqarah, verset 148 :

وَلِكُلٍّۢ وِجْهَةٌ هُوَ مُوَلِّيهَا ۖ فَٱسْتَبِقُوا۟ ٱلْخَيْرَٰتِ ۚ أَيْنَ مَا تَكُونُوا۟ يَأْتِ بِكُمُ ٱللَّهُ جَمِيعًا ۚ إِنَّ ٱللَّهَ عَلَىٰ كُلِّ شَىْءٍۢ قَدِيرٌۭ

« À chacun une orientation vers laquelle il se tourne. Rivalisez donc dans les bonnes œuvres. Où que vous soyez, Allah vous ramènera tous vers Lui, car Allah est, certes Omnipotent. »

Le Quran et le Messager, prière et paix sur lui, nous exhortent continuellement à agir dans l’immédiat, au présent, dans l’accomplissement de nos rites d’adoration et de nos devoirs moraux. En effet, nous ne pouvons pas savoir les obstacles ou les empêchements que nos destins peuvent nous apporter, notamment la perte de nos biens ou le moment de notre mort.

L’appel de l’Islam à la rapidité dans les bonnes actions et à la promptitude dans les actes vertueux s’applique de manière d’autant plus urgente à la Zakat (et à la sadaqah, la charité volontaire, en général) qu’elle vise à soulager les pauvres et les sinistrés de la souffrance et des difficultés.

  • la zakat en attente détruit la richesse

Le Prophète, prière et paix sur lui, a donné un avertissement temporel vital aux gens, concernant le paiement de leur zakat à temps. « L’aumône obligatoire d’une personne ne reste pas mélangée à ses autres richesses sans les anéantir » (Bukhari).

Wa Allahu A’lam.

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