Le Coran aborde la notion de zakat sous différents angles. Pour bien comprendre ce pilier de l’islam, il est nécessaire d’avoir une approche globale au sens du contexte et des objectifs. Sans pour autant négliger une approche détaillée qui permet de se familiariser avec le 3ème pilier de l’Islam. Il y a quatre choses importantes à mentionner ici :
- Le mot arabe zakât (dont le sens purement linguistique peut signifier » augmentation « , » croissance « , » amélioration « , » droiture « , » louange « , » bénédictions « , » purification » et » éloge « ) apparaît 30 fois dans le Coran.
- Allah a révélé le Coran au Prophète, salut et paix sur lui, par morceaux sur une période de 23 ans, traditionnellement divisée en versets (littéralement « signes », ayât) et sûrahs (divisions divinement révélées du Coran) qui lui ont été envoyés au cours des 13 premières années de son appel prophétique, alors qu’il vivait encore dans sa ville natale, La Mecque, et en versets et sûrahs qui lui ont été révélés après sa migration (hijrah) à Médine.
Le mot Zakat apparaît notamment neuf fois dans huit sourates différentes de La Mecque comme l’aumône que les musulmans jusqu’à aujourd’hui savent qu’ils doivent donner, y compris dans des sourates descendues très tôt dans le message et l’appel du Prophète, prière et paix sur lui. Cela signifie qu’Allah a fait de la Zakat – le don d’aumônes aux pauvres – une partie intégrante de l’islam dès le début, une qualité déterminante et une conduite requise des croyants qui le vivraient.
- Sur les 30 endroits où le mot Zakat apparaît dans le Coran, dans 27 d’entre eux, il est étroitement associé à son « pilier jumeau », la Ṣalât, la Prière (le fait de s’incliner et de se prosterner distinctement dans l’adoration que les musulmans font obligatoirement cinq fois par jour). Ces deux formes d’adoration constituent respectivement le deuxième et le troisième des cinq piliers de l’islam.
- Allah fait parfois référence à la Zakat sous le nom de Sadaqah, des parts des types de richesse accumulés par un musulman à distribuer selon un calendrier aux huit types de personnes qu’Il a désignés dans le Quran comme étant ses bénéficiaires légitimes.
Mention de la zakat dans le Coran
Allah dit de la Zakat dans la Sourate 73 Al-Muzzammil (parmi les premières sourate mecquoise), verset 20 :
إِنَّ رَبَّكَ يَعْلَمُ أَنَّكَ تَقُومُ أَدْنَىٰ مِن ثُلُثَىِ ٱلَّيْلِ وَنِصْفَهُۥ وَثُلُثَهُۥ وَطَآئِفَةٌۭ مِّنَ ٱلَّذِينَ مَعَكَ ۚ وَٱللَّهُ يُقَدِّرُ ٱلَّيْلَ وَٱلنَّهَارَ ۚ عَلِمَ أَن لَّن تُحْصُوهُ فَتَابَ عَلَيْكُمْ ۖ فَٱقْرَءُوا۟ مَا تَيَسَّرَ مِنَ ٱلْقُرْءَانِ ۚ عَلِمَ أَن سَيَكُونُ مِنكُم مَّرْضَىٰ ۙ وَءَاخَرُونَ يَضْرِبُونَ فِى ٱلْأَرْضِ يَبْتَغُونَ مِن فَضْلِ ٱللَّهِ ۙ وَءَاخَرُونَ يُقَٰتِلُونَ فِى سَبِيلِ ٱللَّهِ ۖ فَٱقْرَءُوا۟ مَا تَيَسَّرَ مِنْهُ ۚ وَأَقِيمُوا۟ ٱلصَّلَوٰةَ وَءَاتُوا۟ ٱلزَّكَوٰةَ وَأَقْرِضُوا۟ ٱللَّهَ قَرْضًا حَسَنًۭا ۚ وَمَا تُقَدِّمُوا۟ لِأَنفُسِكُم مِّنْ خَيْرٍۢ تَجِدُوهُ عِندَ ٱللَّهِ هُوَ خَيْرًۭا وَأَعْظَمَ أَجْرًۭا ۚ وَٱسْتَغْفِرُوا۟ ٱللَّهَ ۖ إِنَّ ٱللَّهَ غَفُورٌۭ رَّحِيمٌۢ
« Ton Seigneur sait, certes, que tu (Muhammad) te tiens debout moins de deux tiers de la nuit, ou sa moitié, ou son tiers. De même qu’une partie de ceux qui sont avec toi. Allah détermine la nuit et le jour. Il sait que vous ne saurez jamais passer toute la nuit en prière. Il a usé envers vous avec indulgence. Récitez donc ce qui [vous] est possible du Coran. Il sait qu’il y aura parmi vous des malades, et d’autres qui voyageront sur la terre, en quête de la grâce d’Allah, et d’autres encore qui combattront dans le chemin d’Allah. Récitez-en donc ce qui [vous] sera possible. Accomplissez la Salat, acquittez la Zakat, et faites à Allah un prêt sincère. Tout bien que vous vous préparez, vous le retrouverez auprès d’Allah, meilleur et plus grand en fait de récompense. Et implorez le pardon d’Allah. Car Allah est Pardonneur et Très Miséricordieux. » .
On retrouve également cette injonction dans la Sourate 58 Mujadalah, verset 13 :
ءَأَشْفَقْتُمْ أَن تُقَدِّمُوا۟ بَيْنَ يَدَىْ نَجْوَىٰكُمْ صَدَقَٰتٍۢ ۚ فَإِذْ لَمْ تَفْعَلُوا۟ وَتَابَ ٱللَّهُ عَلَيْكُمْ فَأَقِيمُوا۟ ٱلصَّلَوٰةَ وَءَاتُوا۟ ٱلزَّكَوٰةَ وَأَطِيعُوا۟ ٱللَّهَ وَرَسُولَهُۥ ۚ وَٱللَّهُ خَبِيرٌۢ بِمَا تَعْمَلُونَ
« Appréhendez-vous de faire précéder d’aumônes votre entretien ? Mais, si vous ne l’avez pas fait et qu’Allah a accueilli votre repentir, alors accomplissez la Salat, acquittez la Zakat, et obéissez à Allah et à Son messager. Allah est Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites.«
Ou encore, le Quran met en garde dans la Sourate 41 Fussilat, verset 6 – 7 :
قُلْ إِنَّمَآ أَنَا۠ بَشَرٌۭ مِّثْلُكُمْ يُوحَىٰٓ إِلَىَّ أَنَّمَآ إِلَٰهُكُمْ إِلَٰهٌۭ وَٰحِدٌۭ فَٱسْتَقِيمُوٓا۟ إِلَيْهِ وَٱسْتَغْفِرُوهُ ۗ وَوَيْلٌۭ لِّلْمُشْرِكِينَ
ٱلَّذِينَ لَا يُؤْتُونَ ٱلزَّكَوٰةَ وَهُم بِٱلْءَاخِرَةِ هُمْ كَٰفِرُونَ
Dis : « Je ne suis qu’un homme comme vous. Il m’a été révélé que votre Dieu est un Dieu unique. Cherchez le droit chemin vers Lui et implorez son pardon. » Et malheur aux Associateurs
qui n’acquittent pas la Zakat et ne croient pas en l’au-delà !
Enfin, notons que le verset définissant la Zakat de la Sourate 9 At-Tawbah, verset 60, utilise en fait le mot ṣadaqah (offrandes charitables prescrites) dans son sens juridique coranique de Zakat :
إِنَّمَا ٱلصَّدَقَٰتُ لِلْفُقَرَآءِ وَٱلْمَسَٰكِينِ وَٱلْعَٰمِلِينَ عَلَيْهَا وَٱلْمُؤَلَّفَةِ قُلُوبُهُمْ وَفِى ٱلرِّقَابِ وَٱلْغَٰرِمِينَ وَفِى سَبِيلِ ٱللَّهِ وَٱبْنِ ٱلسَّبِيلِ ۖ فَرِيضَةًۭ مِّنَ ٱللَّهِ ۗ وَٱللَّهُ عَلِيمٌ حَكِيمٌۭ
« Les Sadaqâts ne sont destinés que pour les pauvres, les indigents, ceux qui y travaillent, ceux dont les cœurs sont à gagner (à l’Islam), l’affranchissement des jougs, ceux qui sont lourdement endettés, dans le sentier d’Allah, et pour le voyageur (en détresse). C’est un décret d’Allah ! Et Allah est Omniscient et Sage.«
La Zakat est-elle purement transactionnelle ?
L’Islam assimile la Zakat à un développement spirituel élevé et à la croyance elle-même. On peut voir ces deux aspects dans les versets mentionnés précédemment, de la Sourate 73 Al-Muzzammil, et la Sourate 58 Mujadalah.
Les érudits musulmans définissent la connaissance de l’islam non pas par les informations que l’on retient à son sujet, même si elles sont nombreuses, mais par la mise en œuvre de ces conseils révélés, avec une gratitude consciente dans la vie d’une personne, aussi petite ou mineure que puisse paraître cette conversion des conseils révélés en actions délibérées. Ainsi, c’est véritablement par la pratique religieuse que s’exprime la foi.
Généralement, lorsque nous parlons de Zakat, nous entendons Zakat al-Maal (purifier la richesse), mais il existe plusieurs types de Zakat au sens plus large. Ainsi, nous pouvons parler d’autre sujet différents de l’aumône légale que nous abordons d’habitude, tel que Zakat al-Nafs, à savoir la purification de l’âme, ou encore Zakat al-Ilm, le fait de purifier nos connaissances. On peut retrouver aussi la Zakat al Fitr, qui en soi, signifie la purification de notre jeûne.
L’utilisation du mot arabe Zakat pour désigner l’aumône obligatoire
Selon le célèbre commentateur du Quran et linguiste Al-Wâḥidî (468H / 1075), le nom zakat signifie que cette charité obligatoire, de la part d’un croyant, « augmente » la richesse dont elle est prélevée lorsqu’elle est remise à ses bénéficiaires légitimes, ceux qu’Allah a désignés comme tels. Nous notons ces faits par plusieurs hadiths du Prophète, prière et paix sur lui.
Allah confie cet investissement divin à un croyant pour qu’il le verse à ses destinataires désignés, comme une obligation ou une fiducie, à la date d’échéance de cette richesse. Lorsque le croyant s’exécute, cette aumône « protège » la richesse dont elle provient de la dissipation ou de la destruction.
A cet égard, le Prophète, prière et paix sur lui, a dit : « L’aumône obligatoire d’une personne ne reste pas mélangée à ses autres richesses sans les oblitérer » (Bukhari). Oblitérer signifie « effacer petit à petit », « diminuer progressivement ».
Ibn Taymiyyah (661H / 1263 ) a soutenu que ce n’est pas seulement la richesse du payeur de Zakat qui subit une augmentation et une purification mais aussi l’âme du croyant qui respecte son obligation de Zakat.
Le Coran lui-même semble confirmer ce sens dans la Sourate 9 At-Tawbah, verset 103 :
خُذْ مِنْ أَمْوَٰلِهِمْ صَدَقَةًۭ تُطَهِّرُهُمْ وَتُزَكِّيهِم بِهَا وَصَلِّ عَلَيْهِمْ ۖ إِنَّ صَلَوٰتَكَ سَكَنٌۭ لَّهُمْ ۗ وَٱللَّهُ سَمِيعٌ عَلِيمٌ
« Prélève de leurs biens une Sadaqâ par laquelle tu les purifies et les bénis, et prie pour eux. Ta prière est une quiétude pour eux. Et Allah est Audient et Omniscient.«
Autres prophètes à accomplir la Zakat
Allah nous dit qu’il a ordonné à tous les prophètes et communautés avant nous, de donner la Zakat, selon les mesures et les limites qu’Il leur a fixées.
Le Coran rapporte dans la Sourate 19 Maryam, verset 31, que le prophète Issa (Jésus), paix sur lui, a dit ceci de façon miraculeuse peu après sa naissance :
وَجَعَلَنِى مُبَارَكًا أَيْنَ مَا كُنتُ وَأَوْصَٰنِى بِٱلصَّلَوٰةِ وَٱلزَّكَوٰةِ مَا دُمْتُ حَيًّۭا
« Où que je sois, Il m’a rendu béni; et Il m’a recommandé, tant que je vivrai, la prière et la Zakat »
Dans la même sourate, le prophète Isma’îl, paix sur lui, est mentionné :
وَٱذْكُرْ فِى ٱلْكِتَٰبِ إِسْمَٰعِيلَ ۚ إِنَّهُۥ كَانَ صَادِقَ ٱلْوَعْدِ وَكَانَ رَسُولًۭا نَّبِيًّۭا
وَكَانَ يَأْمُرُ أَهْلَهُۥ بِٱلصَّلَوٰةِ وَٱلزَّكَوٰةِ وَكَانَ عِندَ رَبِّهِۦ مَرْضِيًّۭا
« Et mentionne Isma’il (Ismaël), dans le Livre. Il était fidèle à ses promesses; et c’était un Messager et un prophète.
Et il commandait à sa famille la prière et la Zakat ; et il était agréé auprès de son Seigneur.«
Le Coran mentionne également Abraham, Loth, Isaac et Jacob, sur eux la paix, comme destinataires du commandement d’offrir la zakat, dans la Sourate 21 Al-Anbiya, verset 73 :
« Nous les fîmes des dirigeants qui guidaient par Notre ordre. Et Nous leur révélâmes de faire le bien, d’accomplir la prière et d’acquitter la Zakat. Et ils étaient Nos adorateurs.«
La Zakat comme une norme d’évaluation
Pour information, au niveau institutionnel, Allah définit le gouvernement équitable et les autorités justes, en partie, comme ceux qui utilisent les positions sociales qu’Il leur lègue et le pouvoir dont ils disposent pour organiser le prélèvement systématique de l’aumône obligatoire des personnes qu’Il a enrichis pour la donner aux nécessiteux désignés.
En d’autres termes, les gouvernements et les dirigeants qui sont équitables et moraux établissent les mécanismes de charité obligatoire qu’Il a prescrits pour redistribuer les richesses parmi les gens afin de compenser les déséquilibres vers lesquels tendent inévitablement les êtres humains en communauté.
Ce niveau institutionnel complète le niveau individuel. On retrouve cette notion liée à la zakat dans la Sourate 22 Al-Hajj, verset 41 :
ٱلَّذِينَ إِن مَّكَّنَّٰهُمْ فِى ٱلْأَرْضِ أَقَامُوا۟ ٱلصَّلَوٰةَ وَءَاتَوُا۟ ٱلزَّكَوٰةَ وَأَمَرُوا۟ بِٱلْمَعْرُوفِ وَنَهَوْا۟ عَنِ ٱلْمُنكَرِ ۗ وَلِلَّهِ عَٰقِبَةُ ٱلْأُمُورِ
« ceux qui, si Nous leur donnons la puissance sur terre, accomplissent la Salat, acquittent la Zakat, ordonnent le convenable et interdisent le blâmable. Cependant, l’issue finale de toute chose appartient à Allah.«
Wa Allahu A’lam